6 septembre 2013

Le Miraculé et le Solidaire

Il est parfois bon de voir tomber un arbre dans un étang et de l'y laisser : il crée une niche favorable au développement de la biodiversité : zone de fraie pour les poissons, abris ou affût, également, selon qu'ils sont prédateur ou proie. Les oiseaux d'eau aussi profiteront de ses branches émergeant à la surface, canards, poules d'eau et foulques pour s'y poser ou nicher, hérons pour s'y poster en affût. Il arrive que l'on provoque cette situation.

Alors comment un bûcheron s'y prend-il pour orienter la chute de l'arbre? Petite explication illustrée :


1 : Le bûcheron fait une entaille de direction de chute; il découpe un quartier dont l'angle est perpendiculaire à l'axe de chute
2 : Il procède ensuite à une coupe horizontale qui créera la charnière qui va diriger l'arbre
3 : L'arbre tombe dans la direction prévue

Cette histoire, j'aime la raconter lors des visites guidées que je fais de temps à autres. Une de mes amies a été touchée par ce récit et le raconte avec un talent de conteuse certain, bien supérieur au mien. Je me permets donc de présenter son texte :

"Il y a quelques années, un forestier soucieux d’enrichir la biodiversité de la forêt fut d’avis qu’un hêtre au bord de l'étang du Fer à Cheval profiterait plus à l’écosystème aquatique qu’à celui du sentier qu’il bordait."



"C’est ainsi qu’un jour, il s’attela à la tâche : il entailla le tronc un peu au-dessus de sa base, côté étang, afin d'extraire un angle qui orienterait la chute de l’arbre dans cette direction. La deuxième encoche ouvrit, comme prévu, une profonde entaille dans le tronc, formant ainsi la charnière et une poussée suffit à le mettre en mouvement… mais l'arbre avait à peine commencé à s’incliner en craquant qu’il s’immobilisa tout net!"


"L’homme, ne constatant à première vue aucun obstacle, leva les yeux et découvrit avec stupeur que du hêtre qui faisait face au condamné, de l’autre côté du chemin, partait une branche à l’extrémité de laquelle une torsion, telle une main autour du cou d’un ami, empêchait l’autre de s’éloigner de lui."




"Le forestier, touché, gracia le hêtre condamné, se
disant qu’il allait sans doute, de toutes façons, mourir de la blessure qui lui avait été infligée. Il n’en fut rien : l’arbre dut être revitalisé par l’amitié de son vis à vis, car il développa à la base de son tronc un solide bourrelet cicatriciel."



"Le Miraculé vit toujours aujourd'hui, se mirant dans l'eau de l'étang, tendrement enlacé par le Solidaire."