8 septembre 2015

Ursila de Michelsberg

"Ursila avait récolté une bonne quantité de mûres, de baies de sorbiers, des rhizomes ainsi que des bulbilles de ficaires. Comme trophée de leur expédition, les chasseurs rapportaient un grand aurochs et une fête se préparait dans le village. Elle remonta le sentier parmi les prêles queue-de-cheval qui lui caressaient les mollets.


Les trois fossés dirigés vers le Nord-Est se découpaient sur la pente herbue. Afin de protéger leur village, les levées de terre armées de pieux faisaient de cet endroit une fortification de type 'éperon barré'.

Elle passa les fossés profonds de deux mètres et larges de six enjambées.
Derrière la porte des barricades apparaissaient de longues cabanes à toits de roseaux, divisées en deux et pourvues d'un foyer surmonté d'une peau d'ours. Les habitants de ce village se nommaient le "Peuple des Ours", ils étaient reconnus pour leur fin travail de taille du silex. Le vieil et sage homme qui parlait aux esprits portait sur sa poitrine des cicatrices de griffes d'ours.
Des peaux de bêtes fermaient l'entrée de son logis. Ursila déposa, près du cercle de pierres qui ceinturaient le feu, les outres qu'elle avait remplies au ruisseau. Le feu éclairait doucement les courbes délicates de son cou ornées d'un collier de corail et de coquillages.
Dehors, le ciel s'enflamma de rouge, de pourpre et de mauve, les arbres qui changeaient déjà de couleur n'étaient plus qu'une immense ombre s'étalant dans la vallée.
Le village était situé dans un endroit abondant de plantes, de fruits et d'animaux.
Sur les deux versants coulaient des sources d'eau vive et les étangs étaient riches en poissons.
Profitant des dernières lueurs du jour, Ursila rangea ses récoltes dans des urnes de terre cuite. L'hiver allait bientôt s'installer. De nombreuses provisions de poisson fumé, de viande séchée, de pains de lichen, de céréales, de pommes sauvages et de baies de myrtilles, de mûres, de sureaux avaient été constituées et stockées dans des vases de terre cuite. Dans de profondes celliers étaient mis en réserve glands, faines et noisettes.
Le clan des tailleurs de silex alluma un grand feu pour éloigner les loups et les gloutons.
Les meilleurs silex provenaient de la région de Spiennes ou d'Obourg, il fallait parfois aller chercher loin le support d'une hache ou les pointes résistantes des lances. Ursila était experte pour, d'un coup sec, tailler les silex en forme d'animaux et pour tanner les plus belles peaux de castors, d'hermine, parfois d'écureuil au vair si chaud. Sa tunique de peau et de fourrure était ornée de petits cailloux taillés rappelant la tête d'une chouette.
Quand les peuples du Sud traversaient leur territoire boisé, ils aimaient échanger les silex taillés en forme d'animaux contre de l'ambre de Baltique ou du basalte.
Ursila pria les esprits de la forêt. De l'Est menaçait le danger des peuples qui possédaient la puissance du fer, détruisaient les villages de leurs armes plus résistantes que les sagaies pourvues de silex.
Ces guerriers féroces s'imposaient déjà dans le Nord et L'Est de leur puissance, arrachant la forêt pour cultiver, brûler. Avec la puissance venait la haine, la destruction, la domination et la fin de cet équilibre que les peuples entretenaient avec la nature."
 Texte, dessin et photo : S. Butaeye. Merci!